Chronique (simplifiée) : étude d’une suite de cartes

publié le 5 juin 2018 (modifié le 25 novembre 2019)

Un territoire créé récemment, rapidement, pendant la période du fonctionnalisme.

L’observation des cartes successives rappelle que le territoire de la Seine-Saint-Denis est formé, dans sa très grande majorité, d’éléments construits après la révolution industrielle, au 19e siècle, puis lors d’un très important programme d’aménagements engagé dans les années 1960 à 1980. En moins de 2 siècles, les plaines et plateaux agricoles ont été recouverts par les composantes générées par la dynamique urbaine parisienne, et certains secteurs, notamment industriels, se sont déjà renouvelés.
Plusieurs phases de développement peuvent être schématiquement identifiées :
- entre 1820 et 1950, un développement industriel, ferroviaire, pavillonnaire (pavillons de meulières), et certains équipements métropolitains (cimetières, forts)
- entre 1950 et 1975 : un grand programme de réalisations apporte autoroutes, grands ensembles, cités, zones de logistique et d’industrie, puis ville nouvelle …
- depuis le repli de l’industrie, la transformation des zones autrefois occupées par les usines est la plus marquante, tandis que les politiques volontaires renouvellent également certaines cités.
Sur le plan des paysages, les effets sont radicaux :
- effacement des ruisseaux de la plaine
- disparition des cultures sauf à Tremblay et Coubron
- lotissement des forêts et des grands parcs
- disparition de villages traditionnels (Bobigny notamment)
- espaces servants de grande taille : triages, activités, grandes voies « hors sol », aéroports, supermarchés
- zonages importants (pavillons, activités)
Après 1950, le développement très rapide s’effectue en outre pendant une période de l’urbanisme et de l’architecture dominée par les préceptes fonctionnalistes peu soucieux de qualité paysagère, générateurs de formes urbaines répétitives et de fortes coupures, et d’espaces publics voués à la circulation automobile.

Il en résulte une perte des repères des composantes naturelles, des tissus assez peu caractérisés, sans véritable création de structures d’espaces publics de référence (de type tracés d’Haussmann pour Paris), voire en les effaçant, comme l’axe de Paris à Saint-Denis, et une forte empreinte d’infrastructures et de secteurs d’activité.

De ces développements très rapides et très fonctionnels, le territoire souffre de l’image des secteurs peu vivables d’activités et de grandes infrastructures, des coupures, et du rejet des formes urbaines des grands ensembles.

Mais c’est aussi un territoire « en dynamique », porteur de projets et de mutations, marqué par la création, à partir de 1970, d’un ensemble de grands parcs urbains, par la transformation des zones industrielles et des cités, et, plus récemment, par les projets d’un nouvel épisode de projets métropolitains et locaux.

  Echantillon d’une évolution : le secteur de Bobigny, Préfecture de la Seine-Saint-Denis depuis sa création en 1968

La rapidité, l’échelle et la radicalité des transformations symbolisent l’histoire d’un département dont les composantes se sont mises en place brusquement, pendant la période dominée par le fonctionnalisme en aménagement.

Carte de 1822 environ   en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte de 1822 environ
Un village dans la plaine, entre deux axes radiants (route des petits ponts et route de Meaux)
Carte de 1900  en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte de 1900
La révolution industrielle a apporté les voies ferrées, de nouvelles routes, le cimetière de Pantin
Carte de 1950  en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte de 1950
Les grands lotissements investissent le nord de Bobigny.
Carte de 1975   en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte de 1975
Le village est rasé pour faire place à la nouvelle ville fonctionnelle, l’autoroute A 86 est
construite au nord
Carte topographique IGN, 2010 en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte topographique IGN, 2010

  Carte d’Etat-Major, établie entre 1818 et 1824

Carte de l'état-major en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte de l’état-major

Le département n’existe pas encore, et Paris ne s’est pas encore agrandi. Le territoire est très majoritairement agricole (zones blanches). Dans la plaine de France, les petites rivières sont visibles, de même que d’importantes surfaces de forêt. La ville de Saint Denis se distingue par son échelle, les autres localités sont des villages, entourés de parcelles de cultures et souvent accompagnés de parcs aristocratiques, tout particulièrement au Raincy.
Le réseau de voiries se déploie en étoile dans la plaine, complété par les canaux. Parmi elles, la grande route de Paris à Saint-Denis se distingue par les 4 rangs d’arbres qui l’accompagnent. A Pantin, déjà, l’urbanisation commence à se développer le long de la route de Meaux, créant un nouveau quartier distinct du village. Les réseaux de voies ferrées apparaissent, peut-être ajoutés par la suite au fond de carte.
Carte disponible sur le site Géoportail.

  Atlas Trudaine 1820

Atlas Trudaine assemblé en grand format (nouvelle fenêtre)
Atlas Trudaine assemblé

Ce magnifique ensemble de cartes (atlas) figure les grandes voies du pays et les territoires attenants, ce qui explique la forme incomplète de l‘assemblage. Les reliefs des buttes n’y figurent pas, les routes les ayant évités. L’importance des grandes voies est telle cependant qu’une grande part du département est figurée, où l’on reconnaît un territoire principalement agricole, ponctué de villages et par la ville de Saint-Denis

Détail de la carte, secteur de Livry, révélant la grande qualité graphique du document. La structure des villages est nettement lisible : la partie bâtie est concentrée ici sur l’axe joignant la route de Meaux. Autour du village, une couronne de jardins (potagers et parcs) fait une transition avec les cultures et les forêts.

  Carte topographique 1900

Comparée aux cartes figurant le territoire seulement 75 ans avant, le changement révèle la dynamique urbaine qui vient radicalement et très rapidement transformer le territoire initialement agricole. Paris s’est étendue et ceinturée par les fortifications. Les forts d’Adolphe Thiers ponctuent le territoire, notamment sur les rebords des plateaux. Aux franges de Paris, un important développement est visible, constitué de logements (plutôt à l’est), d’activités industrielles et d’entrepôts (au nord), de grands équipements métropolitains (voies ferrées, triages, cimetières, docks, champ de course, poudrerie, aéroport du Bourget, ouvert en 1919…). Le réseau ferré vient également, au-delà de cette première couronne, stimuler un développement pavillonnaire particulièrement visible au Raincy, sur l’emprise de l’ancien parc, loti à partir de 1854, ou à Neuilly-Plaisance, sur l’emprise de l’ancien bois de Neuilly. La plaine reste agricole, les ruisseaux encore lisibles, de même que les vignes et vergers sur les coteaux. Les villages restent comparables aux cartes précédentes, sauf opérations de grands lotissements (Aulnay sud par exemple) ou le long des grands axes (Le Bourget par exemple).
Carte disponible sur le site Géoportail.

  Carte topographique 1950

Comparée à celle de 1900, la carte de l’immédiat après-guerre indique un très vaste développement pavillonnaire au cœur de la plaine, entre Le Bourget et Sevran, englobant les villages initiaux en recouvrant leurs environnements initiaux de jardins et de cultures. La carte figure la première cité à Drancy. Quelques méats sont toutefois laissés libres, formant par exemple une sorte de couronne autour de Bondy/Bobigny/Noisy-le-Sec. Aux franges parisiennes, l’urbanisation s’amplifie, tandis que disparaissent les figurés des vignes et vergers. Dans le nord du département toutefois, la plaine reste lisible, de même que les ruisseaux.
Carte disponible sur le site Géoportail.

  Carte topographique vers 1976

En un temps très court, sous l’effet des programmes d’aménagement (notamment le PADOG), le territoire a fait l’objet d’une transformation considérable.
Le réseau des autoroutes, les cités, de vastes zones d’activité et de logistique, l’université de Villetaneuse, sont ainsi réalisés.

Les cités ont comblé les vides laissés par les lotissements du début du 20eme siècle, de plus vastes opérations de « Grands ensembles » marquent St-Denis/Stains et Aulnay/Sevran, la première tranche du clos St-Lazare est réalisée, mais pas encore les Courtillières de Pantin.

Certaines réalisations apparaissent aux débuts de leur construction, comme la ville nouvelle ou le parc de la Courneuve.

Il ne subsiste que quelques méats encore ouverts, dont les terres cultivées autour de Tremblay. La carte précède la réalisation de l’aéroport de Roissy.