Enjeux paysagers de la Seine-Saint-Denis
La synthèse des enjeux qui suit est issue de l’analyse paysagère enrichie des orientations du travail anthropologique effectué à partir des perceptions des habitants et des acteurs du territoire. Les enjeux de qualité du cadre de vie des habitants, de renforcement de la présence des éléments naturels et du patrimoine, de compensation des effets de banalisation et de cloisonnement ont été identifiés comme particulièrement prégnants sur ce territoire.
L’étude anthropologique traduit, en 12 « orientations », l’enjeu d’une identité de territoire vis à vis de Paris : si proche, si différent, inscrit dans la métropole du Grand Paris mais perçu et vécu dans les espaces du quotidien.
L’appartenance à un espace métropolitain se confirme avec les 4 « Territoires » du département, sans mettre en cause les enjeux d’identification et d’attachement relevés par l’enquête métropolitaine et portant pour beaucoup sur les espaces proches.
C’est principalement dans ces territoires que se développent les projets et les transformations qui font évoluer la métropole du Grand Paris. Les développements urbains qui ont suivi la deuxième guerre mondiale ont profondément transformé la Seine-Saint-Denis sans prendre garde aux dimensions du paysage. Les chantiers en cours peuvent aujourd’hui intégrer les enjeux paysagers auxquels ils peuvent répondre.
Les grandes orientations exprimées lors du processus
Extrait de "Paysages en récit", étude anthropologique menée par le LAA
Enjeux des représentations et perceptions
Dans les esprits, la Seine-Saint-Denis est souvent assimilée aux clichés négatifs de la banlieue. Il ne s’agit pas réellement d’une représentation des paysages, mais plutôt d’un territoire fantasmé, imprécisément localisé, et portant davantage sur des typologies de formes urbaines (les cités principalement) que sur les lieux eux-mêmes.
Beaucoup moins caricaturale, la réalité nécessite une image plus précise, loin des clichés. C’est ainsi que les travaux d’anthropologie mettent en avant les lieux ouverts, les parcs, les terres agricoles, comme des « respirations », en contraste non seulement avec les horizons urbains resserrés, mais aussi avec les clichés qui submergent l’image du territoire.
Les transformations en cours offrent une belle occasion de rafraîchir l’image que se font de ce territoire ceux qui n’y vivent pas, voire ceux qui y vivent. A commencer par la vision qu’en donnent les grandes infrastructures qui la traversent, orientation #2 exprimée par l’étude anthropologique.
Enjeux de la présence sensible des éléments de nature
Reconnaître, préserver et valoriser les espaces de nature, les inscrire plus intimement dans le vécu des habitants et des visiteurs, apparaît comme un enjeu premier, exprimé par les orientations #1 « espaces de respiration », #9 « parc G.Valbon et canal de l’Ourcq », #10 « espaces non maîtrisés », #11 « terres agricoles » dans l’étude anthropologique.
L’enjeu implique entre autres une valorisation approfondie des reliefs (notamment les rebords des plateaux), de la Marne, de la Seine, une évocation des rivières aujourd’hui disparues sous l’urbanisation de la plaine.
Le patrimoine « néo-naturel » des parcs et des terres agricoles, les murs à pêches, les cultures maraîchères, sont autant de sujets de qualification paysagère à saisir dans les projets.
Enjeux des tissus répétitifs indifférenciés
Les formes urbaines répétitives et trop peu inscrites dans leur environnement ont besoin d’évoluer et de gagner en caractères par une approche paysagère renforcée, leur permettant une meilleure localisation, une plus grande identification, un plus grand confort pour les habitants dans l’espace public et, par une meilleure caractérisation, une plus forte capacité à créer de l’attachement.
Ces enjeux portent sur chacun des types de tissus urbains, identifiés par les orientations #4 pavillonnaire, #5 grands ensembles, #8 zones d’activité dans l’étude anthropologique, tandis que les tissus de faubourgs #6 sont considérés comme caractéristiques.
Pour les nouveaux projets, l’enjeu est également identifié, l’orientation #7 appelant à éviter la normalisation des nouveaux quartiers, en se fondant sur l’exigence de la qualité architecturale.
L’objectif de valorisation des éléments « marquants », des balises et repères, des centralités urbaines, vient aussi, comme peuvent le faire les éléments de nature, contrer les effets de la banalisation.
Enjeux de la présence sensible des éléments d’histoire, de patrimoine et de culture
Le territoire s’est transformé très rapidement à l’ère de l’industrialisation et de l’urbanisation, à l’époque du fonctionnalisme et du zonage, en faisant une large place aux espaces servants, à la circulation automobile et aux activités, peu exigeants en qualité architecturale et paysagère. De nombreuses traces historiques ont été effacées, et les tissus modernes ne forment que rarement des éléments de patrimoine, tout en manquant d’unité et de composition.
A cet enjeu correspondent les orientations de valorisation des patrimoines militaires, civils, industriels, représentés notamment dans l’orientation #9 de l’étude anthropologique portant sur le parc G.Valbon et le canal de l’Ourcq, et l’orientation #11 relative aux terres agricoles, patrimoine pré-industriel.
A cet enjeu répond également l’exigence de qualité architecturale des nouveaux projets.
Enjeux de qualité du cadre de vie
Une forte proportion du territoire de la Seine-Saint-Denis est dédiée aux grandes infrastructures de transport, aux équipements de service, aux zones d’activité. Ces territoires peu accueillants, où l’on n’aurait pas l’idée d’aller se promener, génèrent en outre de fortes coupures et des images peu valorisantes.
Comme l’indique l’orientation #8, les zones d’activités représentent un important chantier de revalorisation paysagère, de même que les grandes voies de circulation, #2.
D’une manière générale, la qualité paysagère passe par la valorisation des espaces de vie au quotidien, par l’espace public, un objectif à poursuivre dans tous les projets, visant le confort des parcours quotidiens, la possibilité de trouver à proximité de chez soi des espaces de promenade et des horizons de nature, un environnement cohérent et porteur d’une image positive.
Enjeux de la continuité territoriale
De multiples morcellements pénalisent les paysages de la Seine-Saint-Denis : les grandes infrastructures et les zones d’activité, les vastes emprises closes, mais aussi les juxtapositions brutales de tissus urbains disparates, sans transitions, et parfois l’insuffisance des liaisons de transport.
Restaurer des liaisons et des transitions constitue un important objectif de qualité paysagère, régulièrement pointé, particulièrement symbolisé par le périphérique, coupure forte en lui-même, et qui paraît contenir intra-muros l’unité ultra-cohérente du territoire parisien symbolisé par l’ordonnancement haussmannien, tandis qu’à l’extérieur la banlieue se présente sous un aspect chaotique.
En travaillant sur les infrastructures, orientation #2, sur l’unité que peuvent apporter les composantes naturelles (Seine et Marne, rebords des plateaux), les canaux, les parcs mis en lien, en recomposant les tissus les plus fortement coupés de leur contexte, l’enjeu peut utilement être pris en compte dans les projets.
Enjeux de méthode
Tous les projets d’aménagement et de construction portent une opportunité de paysage, si l’on ne le résume pas à l’utilisation de la végétation.
L’enjeu vise ici les objectifs à ne pas négliger, dans chaque programme et chaque processus de transformation de la ville, de prise en compte du paysage dans les dimensions évoquées dans les points précédents : la qualité du cadre de vie et des espaces publics, l’inscription dans le contexte des éléments de nature et de la continuité territoriale, la valorisation des patrimoines, la nécessité de faire lieu et la recherche de la caractérisation par la qualité architecturale.
L’étude anthropologique invite la dynamique « Grand Paris » à orienter les projets vers la qualité paysagère (orientation #3), en associant le plus possible les populations à exprimer leurs aspirations et leur expertise d’usagers.
La mobilisation des paysagistes en bonne position dans les équipes de programmation et de maîtrise d’oeuvre apparaît également nécessaire pour répondre à un enjeu trop longtemps négligé, et dont l’étude anthropologique révèle l’aspiration.
Toutes les opportunités sont à saisir, notamment les JOP de 2024.
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