ENJEUX paysagers des formes urbaines

La mosaïque des formes bâties produit des paysages différents, souffrant parfois de banalisation, de manque de cohérence, d’absence d’articulations.

ENJEUX et orientations paysagères

  • Favoriser la porosité, les transitions des lieux et des hommes, les coutures : enjeu de réparation
  • Eviter la banalisation des formes urbaines et des paysages
  • Créer ou requalifier les espaces publics à échelle humaine
  • Saisir l’opportunité des projets en cours pour qualifier/doter le cadre de vie d’espaces valorisants et porteurs d’usages attractifs : enjeu de construction perpétuelle
  • Construire une représentation positive de la Seine-Saint-Denis : enjeu de déficit d’image
  • Intégrer les enjeux de transition écologique : isolation des bâtiments (réduction des dépenses énergétiques), réduction des îlots de chaleur urbaine, gestion des eaux pluviales à la parcelle, dés-imperméabilisation des sols, favoriser les corridors écologiques.

Une mosaïque urbaine

Les paysages de la Seine-Saint-Denis se composent de formes urbaines diverses, occupant des secteurs parfois très vastes, ou au contraire très réduits.
Dans leurs côtoiements plus ou moins contrôlés, plus ou moins articulés, elles forment des situations dont la variété compose les aspects caractéristiques de la « banlieue », une mosaïque non ordonnancée parfois difficile à saisir.

Les formes bâties se combinent, non seulement entre elles, mais aussi aux composantes des reliefs, de la nature, et à celles des infrastructures et des espaces publics, pour former les « lieux » de vie et de travail des habitants de ce territoire.

Elles sont présentées ici comme « composantes », dans une typologie nécessairement incomplète et parfois réductrice, mais qui permet de faire état des modalités de perception et d’ambiance qu’elles induisent.

L’étude anthropologique met ainsi l’accent sur une lecture "typologique" des paysages du département, les constats d’ambiance et de ressenti sont pour la plupart liés aux formes bâties ou aux parcs, les sites localisés étant moins souvent évoqués.

Les typologies décrites sont celles que l’on rencontre en majorité dans le département :

  • Les centres anciens et les faubourgs
  • Les secteurs pavillonnaires
  • Les cités de tours et de barres
  • Les zones d’activités et de commerces
  • Les monuments repères
  • Les formes "inventives", non banalisées
Sevran : les typologies se côtoient brutalement, sans articulation, notamment la zone pavillonnaire au sud (orange), et les cités (bleu), elles mêmes très morcelées entre les diverses opérations, de factures très différentes.

Un caractère majeur de la Seine-Saint-Denis consiste dans la constitution très récente de la plupart des secteurs urbains, comparativement aux centres historiques.
Il en résulte notamment des formes urbaines bâties surtout au 20e siècle après l’avènement de l’automobile, sur des surfaces immensément plus vastes que celles qu’occupaient les villages historiques, conçues en rupture avec celles de la ville « constituée ». Les formes discontinues (pavillons, cités, activités), coupées de grandes infrastructures de déplacement, très majoritaires, contribuent ainsi à identifier un territoire péri-urbain, et leur constitution au coup par coup n’a pas été guidée par le projet de former des paysages.

L’urbanisation de la Seine-Saint-Denis s’est effectuée très rapidement, principalement à une époque (les trente glorieuses) où régnait une approche fonctionnaliste de l’urbanisme traduite par la séparation des fonctions, la spécialisation des zones, la réduction des déplacements à pied.
Les enjeux paysagers relatifs aux typologies urbaines consistent pour beaucoup à réparer les effets néfastes de ces modalités urbaines sur le cadre de vie et les ambiances : la banalisation des formes, l’uniformisation de l’architecture, la ségrégation des fonctions et les morcellements de l’espace, la faiblesse des ancrages à l’histoire et aux éléments de nature, une forte présence des voiture au détriment des autres usages, une approche insuffisante de l’espace public en terme de mise en scène de l’espace et de la vie sociale, une stigmatisation des paysages de « banlieue » en très grand contraste avec les paysages urbains parisiens.

L’étude anthropologique met bien en lumière les attentes des populations à cet égard.
Les centres urbains et les faubourgs, mixtes, animés, ancrés dans l’histoire, sont plébiscités, tandis que les zones monofonctionnelles de logements ou d’activités sont taxées d’ennui.

Les craintes de banalisation sont exprimées, ainsi qu’une attente d’espaces publics appropriables, disponibles, articulés si possible aux éléments de nature.

Les très nombreux chantiers (mutation des tissus industriels, rénovation des cités, constitution des nouveaux centres-gares) offrent l’occasion de prendre en charge les enjeux paysagers de la ville, au premier rang desquels, la rupture avec la ségrégation des fonctions et le morcellement du territoire.

Illustrations : un "patchwork" associant fréquemment des bâtiments qui diffèrent par leurs fonctions, leurs dimensions, leurs modénatures, et qui génère un paysage manquant de cohérence et de transitions, difficile à lire.

Favoriser la porosité, les transitions des lieux et des hommes, les coutures : enjeu de réparation

Mixité et articulations

La mixité des fonctions est souhaitée par les populations, qui souffrent, dans les zones monofonctionnelles, de l’absence d’animation, rejetée dans les allées des supermarchés. En Seine-Saint-Denis, la question est également celle des classes sociales, ségréguées dans les tissus contrastés. Une mixité fonctionnelle et sociale est nécessaire, certes pas aisée à mettre en œuvre.
Dans de très nombreux cas les zones de tissus très différents (comme les secteurs pavillonnaires et les cités) se côtoient sans lien, la ségrégation des fonctions et des classes se traduit négativement dans l’espace vécu et perçu, parfois sous la forme de murs. Retravailler les contacts, organiser de meilleures articulations, des transitions, des espaces communs, permettrait de réparer les trop forts morcellements.
Le franchissement des infrastructures coupantes est aussi un objectif, ainsi que la valorisation de certaines, comme les ouvertures des faisceaux ferrés.

Eviter la banalisation des formes urbaines et des paysages

Le fonctionnalisme, la standardisation, influent fortement sur les tissus qui dominent dans le département, c’est-à-dire les zones pavillonnaires, les zones d’activité et de commerces, et les cités, souvent difficilement identifiables les unes par rapport aux autres.
Une plus grande contextualisation des projets, une créativité plus affirmée, intégrant les enjeux contemporains, sont les pistes à suivre pour constituer des "lieux" plus aisément identifiables, d’une personnalité plus affirmée, et de ce fait davantage en mesure de créer de l’attachement pour leurs habitants.
Le repli sur les formes architecturales du passé (notamment les références parisiennes d’architecture néo-haussmannienne) tendent de leur côté à créer une impression de décor, d’irréalité, et une difficulté à se situer dans le temps.

Voir aussi "Les formes inventives", exemples de créations architecturales permettant de quitter la standardisation.

Créer ou requalifier les espaces publics à échelle humaine

Souvent négligé par l’urbanisme fonctionnaliste qui a favorisé les déplacements en voiture, l’espace public est pourtant au cœur de la qualité paysagère, du confort des espaces vécus, de l’intensité de la vie collective.
La requalification des espaces publics permet de poursuivre des objectifs de qualité de vie : place des piétons et cyclistes, accès aux transports en commun, lien et continuité territoriale, valorisation des espaces de nature, mise en scène de la ville…

Saisir l’opportunité des projets en cours pour qualifier/doter le cadre de vie d’espaces valorisants et porteurs d’usages attractifs : enjeu de construction perpétuelle

Même si elles sont récentes, les formes bâties des activités et des cités sont déjà en mutation. D’importantes transformations font émerger de nouvelles compositions urbaines pour lesquelles le projet de former des paysages (lisibles, agréables à vivre à pied, cohérents) apparaît plus nettement, en contraste avec les productions des 30 glorieuses.

Les lignes de tramway, une occasion à saisir pour requalifier les espaces publics et renouveler les tissus attenants, en recherchent davantage de cohérence et moins de banalisation.

Un dynamisme porteur

Les capacités des territoires à se transformer permettent de produire des formes urbaines plus adaptées aux besoins d’aujourd’hui : la Seine-Saint-Denis constitue un territoire de projet, très nettement sensible à l’époque de la rédaction de cet atlas, en 2018.

Les paysages des formes bâties sont pour beaucoup en cours d’invention, leur qualité ne repose pas nécessairement sur une vision patrimoniale des formes existantes.
Une approche paysagère des projets paraît positive, en ayant comme objectifs un meilleur ancrage aux composantes naturelles, une plus grande attention à la qualité du cadre de vie, aux déplacements à pied et à vélo, des articulations plus nettes avec les voisinages, la constitution de lieux de vie identifiables et moins standardisés.

Représenter la Seine-Saint-Denis : un déficit d’image

Les représentations artistiques ont rarement choisi les formes bâties majoritaires (pavillons, zones d’activité, cités) comme sujets, surtout en comparaison des innombrables œuvres d’art ou images touristiques ayant comme sujet les rues de Paris, ou les campagnes franciliennes.

Les formes présentes sont en outre parfois difficiles à saisir comme paysages, du fait de leurs morcellement, parce qu’elles n’ont pas été conçues dans ce but, et que les formes assez standardisées n’ont pas produit beaucoup de « lieux » suffisamment caractéristique pour motiver une production d’image.

Épinay-sur-Seine. Un voisinage sans transition d’échelle entre le village initial et les grands immeubles de logements.

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